FEGUIDE Marcel

Peinture et poésie

Voici bien des années de cela !
Une exposition comme il y en a tant.
Des artistes de province, beaucoup d’entre eux probes et sincères, nullement dénués de métier, même de talent, mais d’une toile à l’autre, l’immense lassitude du « déjà vu » du « trop souvent vu ». Et puis soudain une exclamation de joie !
Je venais de découvrir les pastels de Féguide. Il y en avait là deux ou trois œuvres fougueuses : un saule isolé dans la plaine, sur un ciel chargé d’électricité et de tempête, un crépuscule bleu et or, où une robe de femme mettait l’inattendu d’une tache brune…Peu importe ! Ce qu’il y avait surtout, c’était une large fenêtre ouverte sur la fantaisie et sur le rêve.                           
   
Si l’art de la composition est la marque dominante du classicisme, Féguide est un classique, et pourtant on hésite à lui appliquer cette épithète assez mal comprise tant la Fantaisie la plus ailée semble l’emporter. Et tout de même, rien n’est plus ordonné, mieux équilibré que cette chevauchée de formes et de couleurs qui caractérise l’art de ce peintre. Un peintre ? Ou un poète ? L’un et l’autre apparemment. Il est des poètes qui sont peintres, mais la peinture de Féguide est toute poésie.

Il faut donner, ici, au mot Poésie son sens intégral, qui comporte la notion de création associée à celle du rythme.

Dans le même ordre d’idées, on pourrait parler du caractère musical de cette peinture, le rapprochement s’impose d’autant plus a mon esprit que, récemment, j’ai rêvé longuement devant deux œuvres de Féguide, l’une symbolisant Chopin, l’autre interprétant une œuvre de Debussy.

Peintre, poète et musicien tel est donc Féguide. Il a choisi pour s’exprimer, le pinceau, le crayon, le pastel, parfois même, le bâton de rouge à lèvres dont il tire d’impressionnantes sanguines. Il se serait sans doute exprimé avec une égale facilité par la plume, ou par le piano, ou par l’intermédiaire de l’orchestre.

Je pense, à vrai dire, que c’est la marque des véritables artistes, il n’y a pas plusieurs arts, il n’y en a qu’un seul, c’est le mode d’interprétation qui change. Voici bientôt deux mille ans qu’Horace a noté : « Ut pictura poësis ». Il en est de la poésie comme de la peinture. Une peinture qui ne vise qu’à représenter le monde matériel ne saurait m’intéresser. Pourquoi pas la photographie en couleurs ? Ce que je cherche dans un tableau, c’est l’émotion. L’art du peintre doit être de recréer, en quelque sorte, la nature. A cette condition, seulement, il fait œuvre d’art.

Ce hasard de création véritable, soutenu par un sentiment musical du rythme et de l’harmonie, marque essentiellement le talent de Féguide.
Maurice Constantin WEYER, Prix Goncourt


La galerie L remercie Monsieur Dr Christian Evrard, pour ses précieuses recherches à propos de l’artiste Marcel Féguide. Site : http://feguide.free.fr/